Centre d’étude des mouvements sociaux (CEMS) – Séminaires EHESS: Phénoménologie et sociologie: parcours croisés (février, mars, avril et mai 2020).
CEMS – Séminaires EHESS
Le programme de la première séance (salle AS1_24) est le suivant :
> Albert Ogien (DR CNRS émérite , CEMS) : “L’expérience dans la perspective de l’ordinaire”
> Paulus Wagner (doctorant, Sc po Paris) : “Relationnalité subjective et sociologie politique”
Chacune des quatre séances (de février à mai) proposera deux présentations: une première d’un chercheur confirmé du CEMS et une seconde d’un doctorant, avec pour objectif d’aboutir à des réflexions communes sur l’usage de la phénoménologie en sociologie, et inversement.
Descriptif du séminaire: L’histoire du rapport entre la tradition phénoménologique et la sociologie est tissée de controverses, et il n’est pas rare de la considérer sous la forme d’une antinomie. D’un côté, la phénoménologie est souvent accusée d’être tributaire d’un certain cartésianisme idéaliste, basé sur l’autonomie radicale du sujet connaissant ; de l’autre, les sciences sociales s’intéresseraient exclusivement aux faits sociaux objectifs (Durkheim 1895). A rebours, certains ont pu voir une conciliation fructueuse entre ces deux disciplines, par exemple à partir de la socio-phénoménologie d’Alfred Schütz, qui mobilise l’approche phénoménologique au service d’une sociologie du monde vécu (Cefaï 1998).
Dans ce séminaire, en défendant l’intérêt d’une approche interdisciplinaire, et mobilisant la littérature scientifique contemporaine sur ces deux disciplines, nous nous proposons d’explorer différentes perspectives sur les possibles apports de la tradition phénoménologique aux sciences sociales et, en retour, des sciences sociales à la phénoménologie. Pour ce qui est du rapport de la première à la deuxième, la phénoménologie fournit une méthode de description éidétique sui generis, dont les concepts fondamentaux sont susceptibles d’enrichir les méthodes qualitatives de la recherche empirique. De ce point de vue, celles-ci gagnent un ensemble d’outils épistémologiques comme ceux d’ontologie matérielle, d’intuition catégoriale, de variations imaginatives, d’intersubjectivité, du monde de la vie, ainsi qu’un plan d’analyse, celui du pré-prédicatif. Cette dernière notion est fondamentale pour la compréhension de ces expériences dites muettes qui constituent aujourd’hui un véritable défi pour la recherche empirique. D’un autre côté, les sciences sociales peuvent constituer un objet d’étude riche pour la phénoménologie en lui donnant accès à un nouveau champ de phénomènes tels que l’idéologie et l’utopie (Ricoeur 1996), l’étude de l’étranger (Schütz, Waldenfels), ou la formation de groupes sociaux.
Ce séminaire consistera d’une part en des discussions à partir d’auteurs dont le travail se place au croisement fertile entre phénoménologie et sciences sociales, ou qui s’inspirent de la phénoménologie dans l’élaboration de la méthode sociologique (Schütz, Berger et Luckmann, Garfinkel, Ricoeur, Bourdieu, …). D’autre part, il s’agira de poursuivre cette réflexion par une interrogation sur plusieurs tentatives “d’application” des apports de la phénoménologie aux enquêtes de terrain. En prenant appui sur la recherche en cours des participants, nous aborderons, entre autres, les questions suivantes : comment la phénoménologie peut-elle contribuer à l’élaboration d’un cadre théorique pour une recherche qualitative sur la vie quotidienne des demandeurs d’asile ? Dans quelle sens l’apport phénoménologique est-il pertinent pour l’élaboration d’une sociologie du soi (Johann Michel) ? Un autre point à explorer sera celui de la double possibilité qu’offre la phénoménologie d’étudier le quotidien et l’imagination, à partir d’auteurs comme Schütz et Ricoeur en particulier. Enfin, ce chantier du quotidien se lie aussi avec la normativité vécue, relative aux expériences politiques : quel rôle peut jouer la méthode phénoménologique dans la description de l’expérience quotidienne des phénomènes de “la politique”?
Dans l’idéal les discussions se poursuivront par la suite lors d’une journée d’étude à l’automne 2020, autour d’une problématique resserrée.
Programme des séances suivantes
3 mars 9h à 12h en AS1_24
> Séance autour d’Alfred Schütz – à partir des recherches d’Alain Cottereau et Guillaume Gass
10 avril de 9h à 12h en AS1_24
> L’analyse phénoménologique et la sociologie – à partir des recherches d’Angelo Montoni et d’Audran Aulanier
4 mai de 14h à 17 h en A6_51
> Ricoeur et les sciences sociales – à partir des recherches de Luz Ascàrate et de Cédric Terzi